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« Le destin miraculeux d’Edgar Mint » de Brady Udall

Le destin miraculeux d'Edgar MintC’est sans grande conviction que j’ai ouvert il y a trois semaine Le destin miraculeux d’Edgar Mint de Brady Udall, l’entrée idéale pour la lettre U du challenge ABC. J’avais déjà lu un recueil de nouvelles de cet auteur, Lâchons les chiens, que j’avais apprécié pour son style direct, son humour et sa référence aux grands espaces américains. Malgré les commentaires positifs lu à droite et à gauche sur le roman dont il est ici question, j’avais un doute… Allais-je découvrir un récit du même type que celle d’un autre Edgar, L’histoire d’Edgar Sawtelle, qui m’avait moyennement emballé ? Trouver un récit larmoyant sur la condition des orphelins natif américains ?

A l’âge de 7 ans, Edgar Mint, un jeune métis Apache se fait rouler sur la tête par un facteur dans sa voiture. Laissé pour mort et abandonné par sa mère alcoolique, il est pourtant ramené à la vie par un médecin zélé. Après quelques mois de coma, l’enfant-miracle ouvre les yeux, mais à tout oublié de sa vie d’avant l’accident. Il va passer son enfance et son adolescence à naviguer entre différents univers, peuplé de figures plus ou moins bienveillantes : l’hôpital où il est couvé par les pensionnaires et les infirmières ; un pensionnat pour indiens où il apprendra la dureté de la vie ; une famille d’adoption mormon pleine de bon sentiments ; … Et pour lier tout cela, une machine à écrire. En effet, si Edgar a survécu à son crâne écrasé, il a eu des séquelles : il peut lire mais ne sais pas écrire autrement qu’avec une machine. Se sont donc des kilos et des kilos de feuillets qui vont jalonner son existence, où il couche ses joies et ses peines.

C’est un véritable voyage initiatique que nous suivons entre ces lignes, condensé en 8 années de la vie du jeune Edgar. Le style du livre est étonnamment plein d’humour, limite garpien par ses situations rocambolesques… Mais aussi parfois très violent. Le mélange d’utilisation de la troisième et de la première personne donne une sensation étrange mais pas désagréable : un recul comme dans un rêve ou un film, mâtiné d’auto-biographie.

On espère toujours qu’Edgar va s’en sortir, car ce héros est réellement attachant. Les autres personnages sont aussi riches et nuancés. J’ai une préférence pour Art, le voisin de lit d’Edgar, alcoolique à ses heures, et un peu bougon… mans plein d’attentions et de bons conseils pour le petit métis. Bizarrement, en pointillé dans la vie d’Edgar, on ne retrouve pas l’image d’un père. Celui-ci est définitivement oublié et parti loin de l’enfant bien avant sa naissance.  On trouve à la place le médecin qui l’a sauvé : Barry. Très protecteur avec Edgar, il devient vite envahissant et de plus en plus malsain. On fini par craindre ses apparitions, bien qu’il soit plein d’amour pour l’enfant… Tous ces personnages ont une part positive et aussi une part sombre… Et Edgar autant que les autres !

C’est donc une très agréable surprise que cette lecture, qui une fois refermé me laisse un sourire sur le visage. Je ne regrette pas de m’être lancée dans l’aventure pour finir l’année. Un roman amusant, beau sans être gnangnan… J’aime et je recommande !

ABC-2015

« La fractale des raviolis » de Pierre Raufast

La fractale des raviolisJ’étais passée à côté de La fractale des raviolis, premier roman de l’écrivain français Pierre Raufast, lors de sa parution l’an dernier. Grâce à la sortie format poche et au partenariat Folio de septembre, voilà ce manquement à ma culture générale réparé.

Quand une femme veut se venger de son mari volage, ça peut aller loin… Très loin même. D’une casserole de raviolis empoisonnés à la digitaline jusqu’au champ dévasté de rats-taupes d’un écrivain, nous allons suivre un fil très ténu, qui rassemble les anecdotes les plus fondatrices de la vie d’une dizaine de personnages. Et si tout cela formait une sorte de destiné ? Une toile géante où chaque détails des événements prenait la même forme que le tout auquel il appartenait ?

On décrit souvent ce livre comme roman gigogne… Je ne peux vraiment pas trouver de meilleur qualificatif. Pour mon plus grand bonheur de lectrice, les courtes histoires qui composent ce récit s’emboîtent parfaitement, pour retomber sur leurs pieds à la fin. Il est beaucoup question de meurtriers ou de pervers, ou encore de personnages affublés de dons ou d’handicap particuliers. Bref, le tableau est haut en couleur, on a pas le temps de s’ennuyer une seconde. Un livre vite avalé tant il est entraînant (et court… Certes). Le rythme est soutenu, les fin des chapitres qui annoncent un changement de cadre agissent comme de vrais cliffhanger, le style est fluide…

Un petit plaisir qu’il serait dommage de ne pas s’offrir ! Je n’ai pas grand chose à lui reprocher, j’ai passé un bon moment avec ce livre dans le métro… C’est tout ce qui compte lors des matins difficiles 😉

« Le prince des marées » de Pat Conroy

Le prince des marées Gros morceau auquel je me suis attaquée pour le Challenge ABC, dans tous les sens du terme ! Depuis trois ans, ce pavé me narguait dans ma PAL… Je ne savais pas vraiment si j’avais envie de le lire, malgré les commentaires dithyrambiques à propos de cet ouvrage sur Internet. Je m’attendais à une saga familiale un peu chiante, un Garp sudiste… Mais fort heureusement il en est rien !

Tom Wingo, trentenaire, prof de lettre et coach sportif au chomage doit quitter sa Caroline du Sud pour New-York. Sa sœur jumelle Savannah a fait une nouvelle tentative de suicide. Il va tenter de l’aider en trouvant les clées de son mal-être avec sa psychiatre, Susan Lowenstein, en lui racontant l’histoire de sa famille. De leur naissance à l’âge adulte, on plonge dans la vie des Wingo. Henry le père violent, pêcheur de crevettes, la mère Lila qui les contraint au silence, et au milieu, trois enfants : Luke l’aîné et Tom et Savannah. Au fil des pages, nous allons découvrir les racines de la folie, douce ou destructrice, de cette famille.

Grosse claque que ce livre. Sous ses airs de descente en enfer, il s’agit d’un monument d’humanité, où la beauté, le pardon et l’amour ont plus leurs places que la vulgarité et la haine. Et pourtant, les personnages auraient de quoi sombrer dans la misanthropie la plus sombre…
Au début je me demandais un peu où cette lecture aller m’emmener. Les traits de cynisme et les envolées lyriques de Tom, le narrateur, sont un peu lourdes au début… Mais elles prennent leur place et du sens au fil des pages. Tout comme la névrose de Savannah qu’on suppose être une crise de new-yorkaise en mal de psy… Son fondement prendra sens rapidement.
J’ai été même été choquée par certain passages, tout simplement terribles, imaginés par l’auteur… Les protagonistes semblent tomber de Charybde en Scylla, mais sans jamais tomber dans le pathos dégoulinant.

Chaque élément du livre, chaque anecdote, chaque trait de caractère d’un personnage prend une dimension supplémentaire plus tard dans ce livre. Rien ne semble laissé au hasard sous la plume de Conroy… ce qui en fait très certainement une œuvre complète, recherchée, et vraiment bien écrite (même si j’ai tiqué sur la traduction par moment dans ma très vieillie édition).

Une superbe découverte, loin de mes lectures habituelles. Je le conseille vivement, pour son caractère poétique, fabuleux, drôle, émouvant… Entrecoupé des pires images d’horreur que peut générer l’humanité.

ABC-2015

 

« Le rêve du village des Ding » de Lianke Yan

Le reve du village des DingComme tous les ans pour les challenges ABC, la lettre Y est une difficulté en soi : les auteurs dont le nom commencent par cette lettre ne sont pas vraiment nombreux. Avec Le rêve du village des Ding de Lianke Yan, je suis un peu parti à l’aventure… Et comme souvent dans ce cas, j’ai eu une bonne surprise. On est pourtant dans une histoire difficile, qui ne laisse pas indifférent, puisque le récit tourne autour des ravages du Sida en Chine.

Dans le village des Ding dans la province de Henan en Chine, un nombre considérable d’habitants sont malade du Sida. Et pour cause : quelques années auparavant, les villageois ont vendu leur sang pour améliorer leur quotidien… et à l’époque personne ne connaissait cette maladie. Aujourd’hui ils tombent comme des mouches. Afin de rendre leurs derniers jours plus vivable, le vieux Ding tente d’organiser un camp pour les malades dans l’école du village. Mais même dans la maladie et la misère, les jeux de pouvoir et le poids des traditions vont réduire ses efforts à néant. Et que dire de son fils aîné qui s’est enrichi grâce à la collecte de sang, et qui maintenant se fait de l’argent en vendant des cercueils ?

Voici donc un roman qui ne laisse pas de marbre… Sans rentrer dans le pathos, on ne peut qu’être solidaire avec les malades qui essayent de vivre des derniers moments de bonheur. Mais on a du mal à comprendre la réaction de certains, qui même plongés dans l’enfer du Sida arrivent quand même à chipoter pour des kilos de farine, ou manipuler les esprits pour obtenir quelques semaines de pouvoir. Pour un pays communiste, l’argent et les possessions semblent avoir une importance capitale ! Le mariage et l’héritage est central : un jeune homme ou une jeune femme doit se marier, malade ou non, mort ou non… Glaçant ! On a un aperçu de jusqu’où les hommes et les femmes peuvent aller, quand ils n’ont plus que leur désespoir.

Voilà donc une lecture très intéressante je pense pour tenter de comprendre la culture chinoise… du moins celle de l’arrière pays (je ne suis pas persuadée qu’à la ville se soit pareil). De plus vous vous en doutez, le récit est tiré de faits réels : en Chine dans les années 90, des villages pauvres ont vendu le sang de ses habitants pour gagner de l’argent auprès du gouvernement. Résultat, dans certains villages 80% de la population a été infectée par le Sida et en est morte, à cause des mauvaises conditions sanitaire (genre une aiguille pour trois…). Et bien entendu, ceux qui ont dénoncé ce fléau ont été rattrapé par la police… Jusque dans les années 2005 le silence etait d’or sur le sujet.

Je le conseil vivement, pour peu que vous ne soyez pas trop déprimés :s

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« Dans les eaux du lac interdit » d’Hamid Ismaïlov

Dans les eaux du lac interditAvec ce court roman, je suis partie bien loin de mes habitudes de lecture, grâce au partenariat Denoël de l’été ! Entre conte et histoire contemporaine, nous voyageons aujourd’hui dans les steppes du Kazakhstan, avec ce roman écrit en 2011 par l’ouzbek Hamid Ismaïlov.

Alors qu’il voyage en train depuis des jours au milieu des plaines du Kazakhstan, le narrateur de cette histoire rencontre dans son wagon un jeune musicien de génie. Alors qu’il ne semble avoir que douze ans, il joue des airs classiques au violon qui ravissent tous les voyageurs. Mais ce garçon n’est plus un enfant, même s’il semble encore l’être… Il a vingt-sept ans et s’appelle Yerzhan, et va raconter au narrateur son histoire : sa naissance accidentelle, son enfance dans un relais de chemin de fer où ne vive que trois familles, son amour pour sa voisine Aisulu… et son don pour la musique ! Tout cela semblerait paradisiaque si ces steppes du sud de l’URSS n’étaient pas secouées par des essais de bombes atomiques, dans le but de surpasser en puissance les Etats-Unis !

Voici donc une lecture rapide, onirique sans être trop surréaliste… Et même parfois amusante quand on imagine l’envie de vaincre les USA que pouvaient avoir les soviétiques de toutes les provinces d’URSS. Mais à quel prix ? La steppe desséchée où règne un silence de mort après chaque essai de bombe, les villes pulvérisées, les lac rendus stériles, les zones interdites… et des familles entière décimées par des cancers et autres maladies. Ici si rien n’est explicitement décrit, on sent l’odeur de la mort et de la maladie, que nient ou ne ne voient pas objectivement les protagonistes de cette histoire… ce qui donne une petite impression de malaise. Et les bombes ne sont finalement qu’un secret entre tant d’autres, comme notre jeune héros le découvrira. Une famille où tous vivent les uns à côté des autres à forcément des zones d’ombre…

Ces petits désagréments sont cachés par la bonne humeur des enfants Yerzhan et Aisulu, leurs jeux, leurs trajet jusqu’à l’école avec leur mule… Ce portrait d’une famille à cheval entre tradition et modernité est assez intéressante, même si on reste sur des impressions, comme des touches de couleurs brossées ça et là.

Un court roman interessant, mais qui ne m’a pas plus emballé que ça. Trop court peut être ? Où alors je n’ai pas été séduite  par la poésie des plaines kazakhes ?

En tous cas, ce roman va me permettre d’avancer un peu dans le challenge Petit BAC pour la ligne lieu !

Dans les eaux du lac interdit d’Hamid Ismaïlov
Éditions Denoël
Traduction : Heloïse Esquié
2015 – 126 pages

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« Le collier rouge » de Jean-Christophe Rufin

Le collier rougeEn voyant le mois dernier dans le métro sur de grandes affiches la couverture de ce livre, je me disais « Mais c’est quoi ce clébard avec sa tête qui ne me revient pas ? ». Il faut avouer qu’il a le même regard névrosé que feu l’épagneul de mes parents, et c’est vraiment pas entraînant voir de ça avant d’aller bosser.
Quand Folio lors du partenariat d’avril m’a proposé ce roman, j’ai du me rendre à l’évidence que c’était le destin qui me conduisait vers ce livre… Un heureux destin, même !

Été 1919, alors que la Première Guerre Mondiale vient de se terminer, le juge militaire Lantier se rend dans un petit village pour instruire le dossier de Morlac, héros de guerre. Depuis que celui ci est enfermé, son chien aboie sans discontinuer dans la rue.
Durant toute l’enquête, nous allons découvrir avec Lantier le profil du prisonnier, ses faits de guerre… ainsi que ses relations avec ce chien, qui revêt une importance essentielle dans toute son histoire.
Par l’entremise du récit de Morlac et des témoignages de ses proches et voisins, c’est tout le principe de la guerre qui est remis en cause. Mais cela sera-t-il suffisant pour le sauver ?

J’ai été vraiment emballée par ce court roman, dont je ne connaissais pas l’auteur. Bon, je viens de m’apercevoir qu’il est à l’Académie Française, et qu’il a reçu un prix Goncourt… Ce qui prouve mon total manque de culture dans le domaine de la littérature française 😀
J’ai aimé la progression du récit, avec comme question centrale : qu’est-ce que Morlac et son chien on fait de si horrible pour être emprisonné ? L’ancien soldat devra faire un travail de mémoire et d’analyse pour mettre à jour les racines de l’affaire qui l’a mené là. Le juge Lantier, aristocrate à la veille de revenir à sa vie civile, va aussi remettre en cause ses principes durant cette enquête. Ce qui est troublant, c’est que si Lantier fait tout son possible pour faire sortir le héros de guerre de sa cellule, celui-ci ne semble pas vouloir être libéré… Pourquoi ?

Pour information et pour me faire pardonner, le chien sur la photo est un vrai chien de guerre, Jacquot, décoré deux fois de la Croix de Guerre. A priori c’était un chien de liaison dont la charge était de transmettre des messages (comme un pigeon voyageur en somme). La médaille sur l’image de la couverture n’est donc pas un montage… Du coup j’ai appris un truc, j’ignorais que les chiens étaient décorés comme le hommes pour faits de guerre au début du 20ème siècle !

Le style est agréable, on a envie de tourner les pages… et beaucoup d’humanité ! Que demander de plus ?  Essai gagnant avec cet auteur… J’avais déjà repéré son livre Immortelle randonnée sur le thème du chemin de Compostelle (on aime la marche à pied à la maison ;)).

En plus ce livre me permet d’avancer un peu dans mes challenges : ça sera donc l’entrée « couleur » du Petit BAC.

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« Le Cherche Bonheur » de Michael Zadoorian

Le cherche bonheurIl y a quelques années, alors que je me baladais chez Book-Off, le libraire d’occasion, je suis tombée sur ce roman de Michael Zadoorian. Un auteur en « Z » ça n’est pas si commun et c’est bien utile pour les challenges littéraires !
Je l’avais donc acheté, emmené chez moi, rangé… et un peu oublié. Heureusement, le challenge ABC m’a permis de le ramener à mon bon souvenir ! Et c’est une très bonne chose…ce roman m’a laissée toute chose ce matin, alors que je le refermais.

Ella et John vivent à Detroit et sont mariés depuis 60 ans. Leurs enfants sont grands, et leurs petits-enfants aussi. Mais comment vivre sereinement sa retraite quand la maladie guette ? John est sénile… une belle tournure pour dire que la maladie d’Alzheimer dévore ses souvenirs. Ella a des gênes… le cancer la fait souffrir. Mais le pire, c’est que cette maladie incurable en fait un objet d’expérimentation pour les médecins. Afin de leur échapper, elle se soustrait à la vigilance de ses enfants et elle prend la route avec John, à bord de leur camping car, le « Cherche Bonheur ». Direction la Californie et Disneyland, via la route 66 !

Nous suivons le couple d’octogénaires dans son périple, qui prend tour à tour la teinte d’aventures pleines d’humour, de drame, ou de tragédie. Il n’y a pas a dire, on rit autant qu’on pleure dans le même chapitre. Les situations passent très rapidement du ridicule à l’émotion, du sourire à la peur pour nos héros.
Il faut dire que le couple à tout pour se faire remarquer : Ella est l’archétype de la mamie obèse américaine qui se promène en déambulateur à roulettes, et est incapable de se relever seule tant elle est usée et grosse… Mais elle nous touche dans sa sensibilité et son regard malicieux sur le monde, malgré la douleur, la maladie, et la perspective de l’inéluctable. John lui navigue dans le brouillard. Il ne vit que de rituels, et est rendu lunatique et sale de par son Alzheimer… mais son regard plein d’amour pour sa femme est touchant.
Un roman qui nous apprend beaucoup sur la vie forcément. On se dit que rien n’est plus important que l’amour finalement, car il ne reste plus que le couple et les souvenirs communs à la fin. Le voyage du « Cherche Bonheur », ancien véhicule des bons moments en famille, devient le moyen de se souvenirs du passé, des amis qui sont partis, de ce qui a été fait et qui est maintenant un simple élément de l’histoire de deux vies.

Je lis rarement des romans de ce type mais j’ai été touchée par l’émotion qui s’en dégage. Forcément on pense à sa propre famille, à ses parents et grands-parents (du coup j’en ai retrouvé certains dans ces deux personnages…) Mais on a aussi à l’esprit ce que nous, on sera et fera dans 50 ans !
Je le conseille donc vivement, je ne pense pas qu’il vous laissera indifférent 🙂

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« La ferme des Neshov » de Anne B. Ragde

La ferme des NeshovÇa faisait un sacré moment que cette suite de La terre des mensonges était dans ma PAL… et oui, voilà bien un an que La Chèvre Grise m’a prêté ce livre ! Puisqu’il fallait commencer quelque part pour le nouvel opus du challenge ABC, j’ai commencé avec cette urgence : il faut bien que la propriétaire de ce roman le retrouve un jour, quand même 😉

La famille Neshov au grand complet vient de finir les fêtes de Noël à la ferme familiale dans une petite ville de Norvège. Mais maintenant il est temps que chacun reprenne le cours normal de sa vie.
L’ainé de la fratrie, Tor, reste à la ferme avec son vieux père et va continuer à s’occuper de son élevage de porcs. Sa fille Torunn avec qui il tente de nouer des liens va repartir à Oslo s’occuper de chiens dans une clinique vétérinaire. Les frères de Tor vont retourner à leurs occupations : Margido à son magasin de pompes funèbres, et Erlend et son petit ami Krumme vont repartir au Danemark profiter de leur vie remplie de fêtes et de fastes.
Mais tout ne va pas se passer comme avant ! Jusque-là, la mère était encore vivante et gérait la vie à la ferme… Mais sa mort a laissé non seulement un vide, mais aussi permis d’éclater l’abcès généré par des années de mensonges : le père des trois frères Neshov est en fait leur demi-frère, car c’est le grand-père mort depuis longtemps qui est en fait leur géniteur !
Comment Tor va faire maintenant, laissé à lui-même ? Torunn va-t-elle pouvoir se dégager de ses problèmes de conscience et repartir à la ville ? Et les autres frères Neshov, vont ils enfin se serrer les coudes pour soutenir leur ainé ?

Je ne me souvenais plus trop pourquoi j’avais tellement envie de lire la suite de l’histoire familiale des Neshov en ouvrant le roman… et je m’en suis souvenu en le refermant ! Ce récit est à la fois si sordide et si réaliste, qu’on a qu’une envie : découvrir où comment tout cela va finir !
Comme la première fois j’ai apprécié le style de l’auteur, et les multiples points de vue qui tissent la trame du roman : celui de Tor l’éleveur au sale caractère, de Torunn sa fille retrouvée après des années de séparation qui tente de digérer le fait d’être l’héritière d’une ferme en perdition, d’Erlend le frère cadet expatrié à Copenhague qui hésite entre sa vie sans soucis et revoir son pays natal, ou encore de Margido le croque-mort qui a du mal à se décoincer… Une belle brochette de personnages qu’on a quittés lors des fêtes de Noël dans le premier tome, et qu’on retrouve en plein hiver dans celui-ci. Mais après l’hiver des sentiments… vient le printemps, n’est-ce pas ?
Chacun est focalisé sur sa recherche du bonheur et de l’équilibre… Et bien entendu l’amour a une belle part la dedans, même si ça ne se passe pas toujours comme ils le voudraient. Finalement il semble bien que le seul ciment qui dure années après années, même suite à des disputes, des séparations… ce sont les liens du sang ! Facile peut-être, mais parfois si vrai…

Voici donc une lecture que j’ai aimée. Je suis rentrée dedans tout de suite, j’ai retrouvé mes personnages laissés l’an dernier… bref, un vrai plaisir. Et forcément, je n’ai qu’une envie : c’est de connaitre la suite, dans le troisième opus L’héritage impossible !

ABC-2015

« Soie » d’Alessandro Baricco

SoieSoie doit être dans ma PAL depuis la création de ce blog, c’est à dire 4 ans… Depuis mon tout premier challenge ABC même !
Heureusement que d’autres challenges sont là, comme le Petit BAC, pour me permettre de la vider un peu et remplir ma ligne pour la « matière » !
Je me dis que finalement j’ai été bête d’attendre aussi longtemps pour découvrir ce roman court et plein de poésie, qui m’a bien fait voyager entre la France et le Japon.

En 1861, Hervé Joncour achète et vend des œufs de vers à soie, afin d’alimenter les filatures de la petite ville française de Lavilledieu.
Depuis vingt ans, grâce au flair de Baldabiou qui a implanté ce commerce dans la région, Hervé vit confortablement avec sa femme Hélène… Mais cela va peut être bientôt prendre fin ! Une maladie inconnue touche les œufs provenant d’Europe, d’Afrique et d’Inde, tuant les vers avant qu’ils ne produisent leur précieux fil.
Selon Baldabiou, le seul endroit où les œufs seraient sains, serait justement le seul endroit où aucun étranger ne peut entrer : le Japon, qui a connu deux siècles de vie en totale autarcie… mais qui vient tout juste de permettre aux continentaux de traverser ses frontières. Mais même si un occidental peut dorénavant visiter l’Empire du Soleil Levant, exporter des œufs de vers à soie est puni de mort ! Un seul homme pourra peut-être mener cette mission dangereuse à bien, en traversant la moitié de la planète : Hervé !

Cette histoire courte se lit vraiment d’une traite, car le style de l’auteur est très agréable. Les répétitions des phrases, des motifs et des situations, font penser au mouvement des marée… une poésie qui pour une fois n’est pas pour me déplaire.
On découvre aussi un Japon à peine sorti de son enclavement et de l’ère féodal. Le contraste avec l’Europe qui se modernise est frappant ! Mais la folie de la soie est bel et bien la même partout ! Et aussi celle de l’amour… Car si Hervé aime sincèrement Hélène son épouse, il tombe amoureux de la favorite du Seigneur japonais avec qui il traite. Une mystérieuse jeune femme vêtue de soie orange, aux yeux d’occidentale. Une passion interdite et silencieuse va naître année après année, voyage après voyage… mais pourrait-elle se concrétiser ?

Je ne peux pas trop en dire au risque de dévoiler l’intrigue… mais tout ce que je peux vous conseiller, c’est que vu la rapidité avec laquelle on le dévore, ça serait dommage de passer à côté de ce roman italien ! En tout cas, j’ai passé un bon moment en sa compagnie dans le train samedi soir 🙂

Challenge petit bac 2014

 

« La Chica zombie » de Laura Fernández

La chica zombieAh la bonne lecture jubilatoire ! En demandant ce livre aux Éditions Denoël pour le partenariat de novembre, je ne m’attendais pas à autant m’éclater en le lisant ! La Chica zombie, premier roman édité en France de l’auteur espagnole Laura Fernández, est un concentré de dynamisme qui m’a laissé sur le cul.
Contrairement à ce que je pensais, il ne s’agit pas réellement d’un roman sur les zombies… et pas plus de littérature pour ados malgré le fait que ses héros soient des profs et des lycéens ! A la croisée des genres, voici un roman contemporain sous perfusion de grandes œuvres de l’horreur, mâtiné de culture pop américaine… Un vrai coup de cœur !

Pas facile d’avoir 16 ans, que ce soit à Elron dans les années 90 que partout ailleurs et en tout temps… C’est l’amère expérience qu’Erin Fancher, élève au lycée Robert Mitchum, va faire.
Elle vient de se taper un 0,5 en grammaire à cause de la prof remplaçante Velma Ellis, sa meilleure amie Shirley la « force » à sucer Reeve dans les toilettes du lycée… Et pour ne rien arranger, ce matin elle se réveille morte, putréfiée… zombifiée en somme ! Le plus grave, c’est que ni ses parents, ni Shirley, ni Reeve ne semblent s’en apercevoir ! Le seul qui remarque les vers qui courent le long de ses plaies sous ses tonnes de maquillage, c’est le paria du lycée, le psychopathe Billy Servant.
Comment Erin a-t-elle bien pu se transformer en zombie ? Pourquoi certains feignent d’ignorer son état ? Quelle relations va t-elle maintenir avec ses anciens amis après ce coup du sort ?

Derrière cette histoire de zombie, vous l’aurez deviné, se cache – à moitié – une métaphore de l’adolescence, des relations de domination au lycée qui finissent par décérébrer et stéréotyper le plus gentil des adolescents. Dans ce contexte, chacun a sa méthode pour exister ou survivre : devenir populaire comme Shirley, invisible comme Billy, violent comme Kirby… Et ceux qui se cherchent encore comme Erin finissent souvent par être les marionnettes de leurs camarades de classe.
C’est même toute la société qui est égratignée par Laura Fernández, en pointant par exemple les pressions sociales exercées sur tout un chacun : la chasse à l’obésité, l’obligation de se marier, … Entre jugement et regrets, pas évident d’être adulte non plus à Elron.

Le style de l’auteur et la manière dont elle a traité l’histoire m’ont vraiment emballé. Sa plume est pleine d’humour (noir) et m’a rappelé le côté « what the fuck ? » de l’auteur anonyme du Livre sans nom, ou de Tom Sharpe dans un autre registre… Le côté « hommage aux maîtres du gore » m’a aussi rappelé Thomas Gunzig et ses 10000 litres d’horreur pure… Que du bon, je vous dit !
Les personnages sont inénarrables, oscillant entre le ridicule et le lyrisme… Les plans du directeur du lycée, Sanders, pour séduire la prof remplaçante Velma sont grotesques. Et ceux qu’elle met en place avec un type qui se prend pour le génie de la lampe sont carrément énormes ! Le clou pour moi, c’est le cercle de parole où se réunissent les patients du docteur Droster. Outre Velma qui est harcelée par une robe de mariée toutes les nuits, on retrouve un gars qui se prend pour super Mario… Et une femme qui a déconnecté en se transformant en loutre, engloutissant des kilos de poisson cru.

coup de coeurC’est pour moi à la fois une belle découverte, qui c’est bien vite transformée au fil des pages en coup de coeur ! Outre le fait d’enfin entrevoir un lycée criant de vérité (je ne vais pas dire que je j’y étais… mais presque), les touches surréalistes et trash ajoutées par l’auteur m’ont beaucoup plu. C’est très rock en somme !

Merci Denoël, j’espère bientôt pouvoir lire d’autres roman de cet auteur ! J’en veux plus !

La Chica zombie de Laura Fernández
Éditions Denoël
Traduction : Isabelle Gugnon
2014 – 368 pages