Mots-clé : contemporain

« Konbini » de Sayaka Murata

KonbiniPetit passage par le Japon pour le premier partenariat Denoël de l’année !
Sayaka Murata nous offre ici un visage urbain et dépersonnalisé de la société nipponne… mais ceux qui ont déjà voyagé la bas retrouverons l’ambiance particulière des supérettes ouvertes 24/24 h, les konbinis, une vraie institution locale !

Loin de se déplaire dans son rôle d’employée de konbini depuis 18 ans, Keiko Furukara s’en délecte. Elle est à sa place ici, en uniforme, à réciter ses phrases d’accueil aux clients, à remettre en place les rayons du magasin, à nettoyer le sol… Grâce à ce métier, elle se sent enfin intégrée. En effet, Keiko est bizarre… pour ne pas dire légèrement sociopathe. En s’appuyant sur une analyse de ses collègues et avec l’aide de sa sœur, elle a réussi à se bâtir une personnalité à l’apparence normale… Si ce n’est qu’à 36 ans, elle n’est toujours pas mariée, ce qui inquiète tout ses proches. Mais lorsque Shiraha vient occuper un poste dans le konbini, sa vie bien réglée se retrouve chamboulée.

Bien que mon petit résumé le laisse à penser, on est très très loin d’un roman d’amour ! La collision de deux personnalités asociales que sont Keiko et Shiraha nous livre une critique bien amère de la société japonaise… voire de beaucoup d’autre : qu’est ce que la normalité, la place du travail dans le rang social, celle du mariage et des enfants… ? Dans une société où le groupe prime encore sur l’individu (ce qui est encore plus vrai au Japon) que faire des personnes qui ne rentrent pas dans le cadre ?

Une lecture rapide au charme décalé que je conseille : elle permet non seulement de se poser des questions, mais aussi de voyager au milieu des bento et onigiri, un moment toujours agréable pour les fans du Japon comme moi 😉

Merci Denoël pour ce partenariat… et une nouvelle lettre dans le challenge ABC 2018 !

Konbini de Sayaka Murata
Traduit du japonais par Mathilde Tamae-Bouhon
Édition Denoël & d’Ailleurs – 128 pages
Paru le 11 janvier 2018

abc2018

« Le pays des hommes blessés » d’Alexander Lester

Les pays des hommes blessésPour bien commencer la rentrée j’ai choisi un roman vraiment hors de ma zone de confort habituelle lors du partenariat Denoël… bonne ou mauvaise idée ? Je vous laisse juger 😉

Wayne Robert est élevé dans une ferme à tabac en Rodhesie dans les années 70, dans la pure tradition colonialiste anglaise. Depuis sa tendre enfance il suit son père dans les champs et se lève tôt pour travailler la terre… sa terre. Il sait que sa vie sera celle de fermier, car son amour pour cette ferme est plus forte que tout. Il n’en va pas de même pour son frère Patrick, qui préfère la lecture, à des idées progressistes sur les relations entre Blancs et Noirs et n’a aucune passion pour l’agriculture.
À peine sorti de l’adolescence, le destin choisira pour eux leur avenir : les nationalistes Noirs de la ZANLA ont déclaré la guerre aux fermiers Blancs, et le père de Wayne eSt torturé et tué, alors que Patrick est kidnappé…
Il n’y plus que le désir de vengeance qui anime Wayne et une haine dévorante contre les terroristes de la ZANLA.

Voici un livre déprimant, car très bien documenté et réaliste. Il ne m’en ressort qu’une idée : tous des pourris… Bon, je vais un peu vite en besogne.
Heureusement l’auteur ne s’en tient pas qu’à la question de la violence, mais pose aussi des questions sur le colonialisme et les mouvements de libération des pays sous joug occidentaux.
Au fil des pages, sans surprise, la répétion de l’histoire est omniprésente, qu’elle soit petite ou grande. Wayne eSt un clone de son père, les fermiers Blancs ont sans cesse les mêmes guerres contre les nationalistes Noirs, les hommes meurent, les femmes se font violer et les village brûlés… Et le seul héritage reste la vengeance.
Bref, après une bonne révolution, les opprimés restent finalement les mêmes, écrasés par des plus riches et plus puissants… la seule évolution est que le pouvoir a changé de main. Donc rien de neuf sous le soleil… Mais cette histoire a le mérite de montrer l’Afrique rurale depuis le regard des Blancs, dont l’Histoire se souvient uniquement comme des monstres colonialistes.
Côté personnage je n’ai aucune empathie pour les uns comme pour les autres. La manière dont le narrateur, Wayne, présente les faits met une vraie distance avec l’émotion, malgré des descriptions parfois glauques.

Pas de happy-end, assez peu de morale dans ce récit… et comme c’est loin d’être une fiction, cette histoire m’a bouffée pendant un certain nombre d’heure, même après avoir refermé le bouquin.

Personnellement , ça n’est pas ma came mais d’autres lecteurs apprécieront peut être ce genre de roman historique au goût acide
Merci Denoël pour ce partenariat.

Le pays des hommes blessés d’Alexander Lester
Traduit de l’anglais par Vincent Raynaud
Édition Denoël & d’ailleurs – 496 pages
Paru le 14 septembre 2017

Et puis au passage, il me permet de faire le challenge ABC pour la lettre L

abclogoshadow

« Les âmes des enfants endormis » de Mia Yun

L'âme de son enfants endormisPour le partenariat d’avril Denoël, il ne me restait plus grands choix… j’ai donc choisi ce roman par dépit. En le recevant, mon copain habitué à me voir avec de la SF, de la Fantasy, ou au pire des romans policiers, me demande « mais c’est quoi ce bouquin » ? Bonne question ! Après sa lecture, je peux affirmer qu’il s’agit d’un voyage plein de poésie et de nostalgie en Corée du Sud… l’Asie mystérieuse des fantômes et des tigres qui fument la pipe, mais surtout l’Asie qui a connue des siècles de guerre et d’occupation.

Kyung-A est une petite fille qui vit près de Séoul avec sa mère, son grand frère et sa grande sœur, dans une petite maison au portail bleu. Elle passe ses journées entre suivre son frère, jouer dans la rue ou dans son jardin, se faire peigner par sa mère ou par son étrange voisine…. En revanche son père est aux abonnés absents. C’est à peine si elle le reconnaît le jour où il revient au foyer, la bouche pleine de belles histoires et de promesses de fortune.
Au fil des années, loin de s’améliorer la situation de la famille va de mal en pis… et en grandissant Kyung-A prend conscience des dysfonctionnements de sa famille, mais aussi de la société. Les mariages arrangés, les femmes considérés comme des objets , le peu de liberté des classes laborieuses,… tout en apprenant le passé de son pays au travers des récits de sa grand-mère, des ses voisins. Des histoires qui peuvent autant tenir de la fable que de la cruelle réalité.

Aussi surprenant que ce soit, j’ai été emballée par ce livre, qui est fin et délicat, et m’a emmené dans un voyage en Corée.
Pas de violence gratuite, ni de situations sordides pour parler des horreurs de la guerre, de la honte d’être pauvre, et des difficultés de la vie. La mère de Kyung-A est une femme fière, qun rêve d’un avenir meilleurs pour ses enfants, et plus particulièrement pour ses filles. Si l’époque semble dure à vivre, il en ressort tout de même une sorte de nostalgie liée aux souvenirs d’enfance, qui finalement n’ont pas de frontières. On se demande chapitre après chapitre quand ce père va revenir, s’il va prendre conscience de ses échecs chroniques… et on est soulagé quand il repart du foyer.

Une très jolie lecture qui m’a apporté une pause bien méritée après mes journée de travail. De plus, il me permet de plus de valider la lettre Y du challenge ABC, pas la plus évidente il faut l’avouer 😉

abclogoshadow

L’âme des enfants endormis de Mia Yun
Traduit par Lucie Modde
Éditions Denoël & d’ailleurs – 288 pages
Paru le 13 avril 2017

 

« Les vieilles filles » de Pagan Kennedy

Le vieilles fillesDe loin, une promesse de road-trip sur les routes des États-Unis des sixties avec ce roman issu du partenariat Denoël de mars (oui, je suis en retard… mais pour être franche je l’avais oublié sous un gros tas de livres). De plus près l’inévitable introspection inhérente au long voyage de la narratrice.

Deux sœurs d’une trentaine d’année, Frannie et Doris, vivent avec leur père malade dans une maison du New Hampshire. À la mort de ce dernier, les deux sœurs voient là une occasion de sortir et de voir le monde : une virée chez leur tante en Caroline se transforme vite en road trip jusqu’en Arizona, dans le grand ouest.
Doris déguste cette liberté avec avidité : flirt, shopping, cigarette… mais Frannie voit tout cela d’un mauvais œil. Elle voulait finir vieille fille dans sa maison du New Hampshire avec sa sœur, et voit son plan s’écrouler devant ses yeux.

Difficile d’avoir un avis sur ce livre, je suis assez partagée. D’un côté je regrette que la route ait si peu d’importance, elle est juste une excuse pour faire évoluer les deux sœurs dans leur point de vue sur la vie. On passe d’un point à un autres du pays sans ressentir la longueur du voyage, les sensations de chaleurs ou le plaisir devant de beaux paysages…
Pendant cette virée Frannie forcément va s’assouplir, et Doris prendre un peu de plomb dans la cervelle. Mais ce ne sont pas tant les expériences sur la route que les souvenirs d’enfance et la relecture de ceux-ci qui vont les faire évoluer. Bref, on est vraiment dans l’introspection… il ne faut pas s’attendre à les voir vivre des expériences de folie lors de ce voyage. C’est peut être ça qui est gênant, ce réalisme
Les personnages ne sont pas attachants, et malgré leurs travers (toujours très réalistes), je n’avais l’énergie d’avoir envie de leur mettre des coups de pied au derrière.

L’intérêt pour moi a été de visiter une Amérique mythique, celle des années 60 : les belles voitures, les routes sans fin, les restaurants de bords de routes, les hippies, le changement de la condition de la femme… et ses cotés moins joyeux : la guerre du Viêt-Nam, les émeutes de Chicago…

Donc vous l’aurez compris, je n’ai pas été conquise par Les vieilles filles. Erreur de public ? Peut-être…

Une lecture qui me permet néanmoins d’avancer sur le challenge ABC 2017 !

abclogoshadow

Les vieilles filles de Pagan Kennedy
Traduit par Philippe Brossaud
Éditions Denoël & d’ailleurs – 223 pages
Paru le 24 février 2017

 

« En attendant Bojangles » d’Olivier Bourdeaut

Surprise dans ma boite au lettre la semaine dernière : une enveloppe de Folio contenant le roman dont il est ici question, et une invitation pour sa soirée de lancement. 

Sous la forme d’une autobiographie délirante et poétique, contenant pour preuve le journal intime de son père, l’auteur nous délivre un petit bijou.

en attendant borjangles

Enfant, le narrateur est sa mère, une femme pétillante dotée d’un grain de folie, changeant chaque jour de prénom au gré de humeur de son époux et vouvoyant tout le monde.
Cette petite famille et leur grue d’Afrique Melle Superfétatoire vive dans un monde de fête perpétuelle, de plaisir, d’amour et d’humour. Une vie de rêve ! Une vie fantasmée peut-être ?

Poétique et décalé, difficile de définir ce roman, qui semble se situer ente l’épopée lyrique et le journal intime…la folie douce glisse doucement du surréalisme au véritable drame.
En effet, difficile de ne voir que la lumière et l’évasion dans ce roman… La joie cache une tristesse infinie si on sait lire entre ligne, et retirer le masque de carnaval dont est affublé ce récit. La réalité est magnifiée, comme pourrait le faire un enfant regardant par le prisme d’un kaléïdoscope… mais on a envie d’y croire de toute nos forces !

Un bon moment de lecture court et rafraîchissant pour ce premier roman d’Olivier Bourdeaut !

« Mes vrais enfants » de Jo Walton

Mes vrais enfantsNouvelle plongé dans le monde fantastique de Jo Walton avec ce partenariat Denoël de janvier (oui je suis un peu à la bourre…). J’avais découvert cette auteur l’an dernier avec Morwenna que j’avais beaucoup aimé. Je crois que j’ai encore plus apprécié Mes vrais enfants, moins ancré dans la fantasy mais qui flirte lui aussi avec les univers parallèles, le vrai et le faux qui se mélangent et brouillent les pistes et le champs des possibles…

Patricia est très âgée maintenant et vit depuis une dizaines d’années dans une maison de retraite en Angleterre . Sa mémoire lui fait défaut ainsi que sa vue… et elle n’a rien d’autre à faire que se souvenir de son passé. Mais si elle se rappelle bien de son enfance, de son adolescence au lycée pendant la Seconde Guerre Mondiale, de ses études pour devenir institutrice à l’université, et de son fiancé Mark… il en va autrement pour sa vie d’adulte. Elle ne sait plus si elle a accepté de se marier avec Mark, si au moment fatidique elle lui a dit « oui » ou « jamais ».
De cette réponse, sa vie et ses souvenirs en seront complètement bouleversés.
Si elle a accepté d’épouser Mark, son existence sera teinté de morosité, de manque d’amour et de considération, à s’occuper du logis et à être continuellement enceinte… Alors que si elle a refusé ce mariage, elle deviendra spécialiste de la ville de Florence, continuera à enseigner et rencontrera le grand amour dans les bras de Bee, une jeune scientifique. Dans l’univers de sa vie d’épouse, le monde vit dans la paix et fait de grands progrès sociaux et scientifiques, alors que dans la vie où elle est libre, le monde connaît plusieurs guerres nucléaires… Dans ces deux vies, elle aura des enfants, mais pas les mêmes ! Quels sont les bons souvenirs ?

De manière assez classique, mais efficace, un peu comme dans La part de l’autre d’Eric-Emmanuel Schmitt, on alterne un chapitre présentant la vie de Tricia / Trish, la femme de Mark qui a eu 4 enfants, puis un à la même période s’intéressant à celle de Pat, en couple lesbien avec 3 enfants.
Un roman génial qui m’a tour à tour attendri, ou plongé dans la déprime. En lisant les chapitres ayant trait à la vie de Tricia, j’ai revu ce que ma grand-mère à finalement vécu à la même époque : se marier, en baver à la maison, faire des enfants dont on a pas le temps de s’occuper ente deux fausses couches, avec un mari absent.
La vie de Pat est mille fois plus palpitante, entre voyages, grand amour, un super boulot, les enfants aussi… mais elle doit évoluer dans un monde ravagé par la guerre.
Justement, ces difficultés de mémoire sont une excuse pour l’auteur pour toucher un peu à la dystopie : ce récit n’est pas seulement un roman de mœurs, mais aussi une SF ! En mode « battement d’aile d’un papillon qui provoque un ouragan », le choix de Patricia semble influencer l’avenir de notre planète. Il est juste dommage qu’on ait pas plus de détails sur ce qui provoque cette rupture d’un univers à l’autre, mais bon, tout ne doit pas être expliqué… surtout quand on se dit que la vérité doit être quelque part entre les deux.

coup de coeurJ’ai tellement apprécié ma lecture que j’ai été en acheter un exemplaire… j’ai un cadeau d’anniversaire à faire ce week-end, et ce roman coup de coeur sera un présent parfait !

 

Et au passage, il rempli ma case W du challenge ABC 2017 !

Mes vrais enfants de Jo Walton
Traduit par Florence Dolisi
Editions Denoël, collection Lunes d’Encre – 352 pages
Paru le 19 janvier 2017

abclogoshadow

 

« Les Luminaires » d’Eleanor Catton

Les LuminairesCela faisait un bon moment que je n’avais pas posté ici… il faut dire que j’ai été happée par le pavé Les Luminaires. Et quel pavé ! Plus de 1200 pages d’intrigues et de mystères, en pleine Nouvelle-Zélande du 19ème siècle, lors de la ruée vers l’or.

En 1866, Walter Moody arrive dans la ville côtière d’Hokitika en Nouvelle-Zélande. Il a abandonné l’Angleterre pour y faire fortune en cherchant de l’or, comme des milliers d’autres avant lui. Alors qu’il compte se reposer après un voyage en mer exténuant, il se retrouve au milieu d’un conseil secret tenu par douze hommes. Leur objectif est découvrir ce qu’il est advenu d’Emery Staine, un riche chercheur d’or porté disparu, et à partir de là dénouer les fils de mystères survenus dans la ville : pourquoi la prostitué Anna a été retrouvée inconsciente au milieu de la route une nuit, comment Crosbie Wells l’ermite a trouvé la mort, est-ce que le capitaine Carver à quelque chose à voir dans les malheurs qui les frappent tous un par un… D’oreille attentive, Moody va devenir un acteur de ces intrigues.

Difficile de résumer ce roman complexe, qui est presque cousu à la main. L’auteur part sur une construction en forme de thème astral, où chaque personnage récurrent est assimilé à un signe astrologique. Je n’ai pas totalement saisi les tenants et aboutissants de cette structure, mais ce qui est certain, c’est que la destinée et sa roue ont fort à faire dans ce récit. Si le destin se joue de beaucoup des personnages et est parfois cruel en créant des interactions complexes, des effets de chaînes… il peut aussi être bénéfique pour d’autres : fortune, amour, renommée… En cela, on a l’impression que les personnages sont les proies de dieux funestes, nichés au milieu des constellations et des astres.
Bref, les histoires de tous les acteurs de cette histoire se trouvent liées, et nous allons découvrir comment au fur et à mesure que nous tournons les pages. 

Je dois avouer que les 300 premières pages m’ont laissées un peu perplexe. Je me demandais où tout cela aller mener. Mais finalement on se laisse rapidement prendre par la magie de l’écriture, des personnages, et aussi de la Nouvelle-Zélande encore sauvage, la dernière frontière ! On est plongé dans un univers qui rappelle le Far-West, mais au bord de la mer, avec ses castes et clans en fonctions de leurs origines, leurs niveaux social, leur professions…

Une belle découverte en somme. Je ne regrette pas d’avoir passé un mois à le lire tranquillement, à mon rythme…
Merci à Folio pour ce partenariat !

« L’héritage impossible » de Anne B. Ragde

L'héritage impossibleMieux vaut tard que jamais… La Chèvre Grise va enfin pouvoir récupérer le troisième tome de la série de « La terre des mensonges » qu’elle m’a prêté il y a bien deux ans. Ça n’est pas que je ne voulais pas découvrir la suite et fin de la saga familiale des Neshov, mais le temps passe tellement vite entre deux sessions de challenges littéraires, de partenariats…

Après le suicide de Tor, son père, Torrun se retrouve seule à la ferme des Neshov dont elle hérite, dans un coin près de Trondheim. Elle doit non seulement s’occuper de l’élevage de porcs, mais aussi de son grand-père et de la maison. Harassée de fatigue et se sentant coupable de la mort de son géniteur, elle glisse peu à peu dans une dépression.
Est-ce que les projets de ses oncles vont lui redonner la joie de vivre ? Entre Margido qui veut créer un hangar de stockage de cercueils auprès de la ferme, ou Erlend qui souhaite bâtir une maison de vacances dans les silos à grains ? A moins que son aide à la ferme, le beau Kai Roger, finisse par la faire succomber ?

Si les deux précédents tomes n’étaient pas super gais, celui-là est encore plus plombant
Mais où est le bonheur dans ce coin de la campagne norvégienne ? Tout est terne et pesant à la ferme des Neshov… On a commencé avec les secrets de famille dans le premier roman, puis un suicide dans le second. Et là une dépression pour couronner le tout.
On comprend pourtant le ras-le-bol de Torrun, laissée seule aux rênes de l’entreprise agricole à la mort de son père, pour le plus grand soulagement de ses oncles… mais j’ai tout de même eu du mal avec le personnage dans ce tome. Déprime, alcoolisme, auto-destruction, repli sur soi… Pfff… A ne pas savoir si elle veut garder la ferme et les porcs, ou faire autre chose de la propriété… Et à se rabacher que Kai Roger essaye de la séduire que parce qu’il en veut à son héritage. Bref, lourde… On a envie de la prendre et de la secouer !
Heureusement, la vie d’Erlend l’oncle homo est là pour nous faire un peu sourire. Lui qui va bientôt être papa avec son conjoint Krumme, avec l’aide d’un couple de lesbiennes. Même Margido devient presque fun dans ce tome, alors que son métier de pompe-funèbre nous laisserait penser le contraire.

Enfin malgré cette frustration de passer à côté du happy end tant souhaité, on doit bien avouer que nous sommes face à un roman réaliste : la famille c’est bien, c’est tout ce qu’il reste quand on n’a plus rien… mais c’est aussi la source de beaucoup de déceptions.
En une année à Neshov, finalement la situation n’a pas beaucoup évoluée en terme relationnel : chacun de leur côté avant, chacun de leur côté après…

Objectivement, ce triptyque est vraiment à découvrir. Les personnages et leurs relations sont bien brossées, et les paysages donnent qu’une envie : visiter la Norvège. Quant à rencontrer ses habitants… je ne sais pas vraiment 😉

« L’amie prodigieuse » d’Elena Ferrante

L'amie prodigieuse« Le roman que Daniel Pennac offre à tous ses amis« . Voilà ce que clame la sur-jaquette sur cette édition, reçue lors du partenariat Folio du mois. Avec une annonce comme celle-ci, je ne pouvais pas passer à côté de ce roman… De loin, j’y voyais une saga familiale classique autour de deux amies d’enfance, dans l’Italie d’après guerre. C’est bien de cela qu’il s’agit, mais de bien plus encore ! Pennac ne se trompait pas, l’écriture d’Elena Ferrante est vraiment jubilatoire !

Elena et Lila se connaissent depuis les bancs de l’école, dans un quartier pauvre de Naples. Dans cette Italie des années 50, la vie n’est pas tendre. La plupart des adultes font des métiers difficiles, les femmes travaillent dans leur foyer, et les enfants font ce qu’ils peuvent entre eux et leurs professeurs. Lila s’avère rapidement être un petit génie, doublé d’un sale caractère qui flirte avec la méchanceté. Elena quant à elle est subjuguée par son amie, et fait tout pour être à son niveau… Cette émulation va permettre à cette dernière d’accéder à des études, au collège… Lila elle devra rester travailler avec ses parents à la cordonnerie familiale. Cette séparation va-t-elle signifier la fin de leur amitié ? Lila continuera-t-elle a étudier malgré l’interdit familiale ? Elena pourra-t-elle se sortir du quartier ?

Voici donc une superbe histoire, passionnante, pleine d’émotion et super bien écrite… Je deviens fan de saga familiale avec des livres comme ça ! On peut très facilement s’identifier à Elena, l’éternelle seconde, durant ses années d’enfance et d’adolescence que nous suivons ici. Son amitié avec Lila est un petit mélange d’adulation et de jalousie, qui va la guider durant toutes ses jeunes années, que ce soit pendant ses études que pour ses affaires de coeur. Cette histoire s’inscrit dans celle du quartier, où les rivalités et les conflits entre les familles ont la part belle… Eux même au coeur de la grande histoire d’Europe de l’après-guerre, où le fascisme, le marché noir, l’essor du communisme… ont laissé des traces.

Un seul regret : il va falloir que j’attende le second volume de la saga pour savoir comment se termine cette histoire ! Si L’amie prodigieuse raconte la jeunesse des deux filles, la suite, Le nouveau nom, se focaliserait sur leurs vies d’adultes. Et vu les rebondissements au fil des pages, je veux absolument savoir ce qui va se passer.

Un roman vraiment très bon, que je conseille vivement et que je vais certainement prêter… Voir offrir à mon tour 😉

« Mon chat Yugoslavia » de Pajtim Statovci

Mon chat YugoslaviaPour commencer la nouvelle année 2016 et ses nouveaux partenariats Denoël, j’ai joué la carte de la découverte avec un roman finnois d’un jeune écrivain de 24 ans, Pajtim Statovci… Je ne m’attendais pas à grand chose… peut être à un roman comme Les tribulations d’un lapin en Laponie, qui traite finalement du même thème, celui de l’immigration en Finlande. Mais il faut avouer que la comparaison s’arrête là ! Si le récit est décalé, ça n’est pas au service de l’humour et de la légèreté, mais plutôt de la folie.

Bekim est un jeune étudiant en philosophie en Finlande. Entre deux rencontres sur des sites gays, il fait la connaissance d’un « chat » dans un bar homo qui va bientôt partager sa vie et celle de son boa. En parallèle nous suivons le journal des années de mariage d’Emine, une kosovare qui épouse dans les années 80 un homme qu’elle connaît à peine, et qui s’avère être égoïste et violent. Lorsque ces histoires s’entremêlent, nous découvrons qun ces deux trajectoires sont celle de la mère et du fils, victimes à leur façon de leur déracinement de leurs terres en guerre, la Yougoslavie.

Si le récit d’Emine est assez classique, quoique poignant par son impression de réalité, celui de Bekim flirte avec le surréalisme et la folie. Il est question de chats qui prennent les traits et comportements d’humains, l’omniprésence des serpents, de névroses autour des arts ménagers, l’image d’un père absent… De qui tient-il le plus ? De sa mère pressurisée par un mari seigneur en sa demeure, où justement de ce dernier qui ne sait se faire respecter que sous un joug de peur et de violence ? Il y a de quoi décrypter, mais j´ai abandonné l’analyse des métaphores au court de ma lecture, pour me laisser porter par cette histoire qui m’a finalement bien plue.

Les réflexions autour de l’immigration de première et de seconde génération, et de leurs intégrations dans la société « occidentale » sont intéressantes. On prend le temps de réfléchir sur les mécanismes qui pousse une famille à quitter son pays en temps de guerre, de l’intérêt et de la haine pour une autre culture, du rejet ou de l’acceptation des cou types de l’autre… Pas évident comme plongée dans la réalité sociale, aujourd’hui que l’histoire semble se répéter.

J’ai apprécié ce livre, qui est à la fois facile à lire et pas si simple à saisir, par ses contrastées constants. Une belle découverte, loin de mes goûts habituels !

Mon chat Yugoslavia de Pajtim Statovci
Traduit du finnois par Claire Saint-Germain
Éditions Denoël & d’ailleurs – 336 pages
Paru le 25 janvier 2016