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« Au revoir là-haut » de Pierre Lemaitre

Pffiou, ce n’est pas cette année que je serai plus régulière dans mes publications sur ce blog… Mais heureusement mon système de parallélisation des lecture audio / papier me permet de tenir mes challenges annuels (au détriment de mon écoute de Deezer, je suis mal barrée pour apprendre tout le répertoire d’Alice Cooper pour septembre prochain…) !

Mais revenons à nos moutons… Au revoir là-haut. Au moment de chercher des auteurs pour le challenge ABC dans la bibliothèque Audible, je suis retombée dessus… la couverture me disait quelques chose (c’est en fait l’affiche du film sorti il y a un an et demi) et en cherchant un peu plus je vois que c’est un prix Goncourt. Méfiance… Je ne suis pas une lectrice si facile ! Une collègue bercée dans les romans historiques me promet que c’est vraiment bien. Aller, pourquoi pas !

Derniers jours de la Première Guerre Mondiale, côté français, dans les tranchées. Albert et ses camarades espèrent ne pas avoir à monter au front… ça serait trop bête de mourir sous les balles allemandes à quelques heures de la fin du conflit ! Et pourtant ils y retournent pour venger la mort de leurs éclaireurs, sous les ordres du Lieutenant Pradel.
Au final, Albert se retrouve enterré vivant dans un trou d’obus avec une tête de cheval et Edouard en le sauvant se fait arracher la moitié du visage par un éclat d’obus. Une amitié étrange va naitre entre les deux hommes, avec en toile de fond le perfide Pradel, à l’origine de tous leurs maux.

Difficile de décrire ce roman… Le tableau d’une époque ravagée par la guerre, l’ironie du destin, une galerie de personnages impeccables, et aussi de l’humour et de la poésie… j’ai été complétement happée par cette histoire !
J’ai adoré le personnage d’Edouard, que je ne peux pas séparer dans mon esprit du personnage principal de Johnny s’en va-t’en guerre de Dalton Trumbo (certainement un de mes livres favoris). Le sort que notre bonne mère Fortuna lui réserve est assez renversante : jeune artiste bourgeois, défiguré et handicapé pour avoir sauvé la vie d’un camarade de combat, on pense qu’il touche le fond en devenant opiomane avant de réaliser l’œuvre de sa vie : une escroquerie aux monuments aux morts !
Voilà je n’en dirais pas plus… mais ce personnage associé à un Albert prolo et couard donne une dynamique assez explosive !

Un point très positif, le livre est lu par l’auteur. Et ce n’est pas loin d’être la meilleure prestation en livre audio que j’ai pu écouter ! On vit vraiment les scènes, on imagine les personnages et leurs attitudes grâce à sa performance… Les dialogues, les souffles, les silences… Y’a pas à dire, il n’y a surement pas mieux que l’auteur pour interpréter son oeuvre.

Encore un coup de cœur pour un livre qui sort de mes lectures habituelles… Je n’ai qu’un seul regret, de ne l’avoir qu’au format audio et ne pas pouvoir prêter une version papier à mes amis !

 

« Le pays des hommes blessés » d’Alexander Lester

Les pays des hommes blessésPour bien commencer la rentrée j’ai choisi un roman vraiment hors de ma zone de confort habituelle lors du partenariat Denoël… bonne ou mauvaise idée ? Je vous laisse juger 😉

Wayne Robert est élevé dans une ferme à tabac en Rodhesie dans les années 70, dans la pure tradition colonialiste anglaise. Depuis sa tendre enfance il suit son père dans les champs et se lève tôt pour travailler la terre… sa terre. Il sait que sa vie sera celle de fermier, car son amour pour cette ferme est plus forte que tout. Il n’en va pas de même pour son frère Patrick, qui préfère la lecture, à des idées progressistes sur les relations entre Blancs et Noirs et n’a aucune passion pour l’agriculture.
À peine sorti de l’adolescence, le destin choisira pour eux leur avenir : les nationalistes Noirs de la ZANLA ont déclaré la guerre aux fermiers Blancs, et le père de Wayne eSt torturé et tué, alors que Patrick est kidnappé…
Il n’y plus que le désir de vengeance qui anime Wayne et une haine dévorante contre les terroristes de la ZANLA.

Voici un livre déprimant, car très bien documenté et réaliste. Il ne m’en ressort qu’une idée : tous des pourris… Bon, je vais un peu vite en besogne.
Heureusement l’auteur ne s’en tient pas qu’à la question de la violence, mais pose aussi des questions sur le colonialisme et les mouvements de libération des pays sous joug occidentaux.
Au fil des pages, sans surprise, la répétion de l’histoire est omniprésente, qu’elle soit petite ou grande. Wayne eSt un clone de son père, les fermiers Blancs ont sans cesse les mêmes guerres contre les nationalistes Noirs, les hommes meurent, les femmes se font violer et les village brûlés… Et le seul héritage reste la vengeance.
Bref, après une bonne révolution, les opprimés restent finalement les mêmes, écrasés par des plus riches et plus puissants… la seule évolution est que le pouvoir a changé de main. Donc rien de neuf sous le soleil… Mais cette histoire a le mérite de montrer l’Afrique rurale depuis le regard des Blancs, dont l’Histoire se souvient uniquement comme des monstres colonialistes.
Côté personnage je n’ai aucune empathie pour les uns comme pour les autres. La manière dont le narrateur, Wayne, présente les faits met une vraie distance avec l’émotion, malgré des descriptions parfois glauques.

Pas de happy-end, assez peu de morale dans ce récit… et comme c’est loin d’être une fiction, cette histoire m’a bouffée pendant un certain nombre d’heure, même après avoir refermé le bouquin.

Personnellement , ça n’est pas ma came mais d’autres lecteurs apprécieront peut être ce genre de roman historique au goût acide
Merci Denoël pour ce partenariat.

Le pays des hommes blessés d’Alexander Lester
Traduit de l’anglais par Vincent Raynaud
Édition Denoël & d’ailleurs – 496 pages
Paru le 14 septembre 2017

Et puis au passage, il me permet de faire le challenge ABC pour la lettre L

abclogoshadow

« Mon chat Yugoslavia » de Pajtim Statovci

Mon chat YugoslaviaPour commencer la nouvelle année 2016 et ses nouveaux partenariats Denoël, j’ai joué la carte de la découverte avec un roman finnois d’un jeune écrivain de 24 ans, Pajtim Statovci… Je ne m’attendais pas à grand chose… peut être à un roman comme Les tribulations d’un lapin en Laponie, qui traite finalement du même thème, celui de l’immigration en Finlande. Mais il faut avouer que la comparaison s’arrête là ! Si le récit est décalé, ça n’est pas au service de l’humour et de la légèreté, mais plutôt de la folie.

Bekim est un jeune étudiant en philosophie en Finlande. Entre deux rencontres sur des sites gays, il fait la connaissance d’un « chat » dans un bar homo qui va bientôt partager sa vie et celle de son boa. En parallèle nous suivons le journal des années de mariage d’Emine, une kosovare qui épouse dans les années 80 un homme qu’elle connaît à peine, et qui s’avère être égoïste et violent. Lorsque ces histoires s’entremêlent, nous découvrons qun ces deux trajectoires sont celle de la mère et du fils, victimes à leur façon de leur déracinement de leurs terres en guerre, la Yougoslavie.

Si le récit d’Emine est assez classique, quoique poignant par son impression de réalité, celui de Bekim flirte avec le surréalisme et la folie. Il est question de chats qui prennent les traits et comportements d’humains, l’omniprésence des serpents, de névroses autour des arts ménagers, l’image d’un père absent… De qui tient-il le plus ? De sa mère pressurisée par un mari seigneur en sa demeure, où justement de ce dernier qui ne sait se faire respecter que sous un joug de peur et de violence ? Il y a de quoi décrypter, mais j´ai abandonné l’analyse des métaphores au court de ma lecture, pour me laisser porter par cette histoire qui m’a finalement bien plue.

Les réflexions autour de l’immigration de première et de seconde génération, et de leurs intégrations dans la société « occidentale » sont intéressantes. On prend le temps de réfléchir sur les mécanismes qui pousse une famille à quitter son pays en temps de guerre, de l’intérêt et de la haine pour une autre culture, du rejet ou de l’acceptation des cou types de l’autre… Pas évident comme plongée dans la réalité sociale, aujourd’hui que l’histoire semble se répéter.

J’ai apprécié ce livre, qui est à la fois facile à lire et pas si simple à saisir, par ses contrastées constants. Une belle découverte, loin de mes goûts habituels !

Mon chat Yugoslavia de Pajtim Statovci
Traduit du finnois par Claire Saint-Germain
Éditions Denoël & d’ailleurs – 336 pages
Paru le 25 janvier 2016

 

 

« Si c’est un homme » de Primo Levi

Un grand classique de la littérature italienne pour terminer mon challenge « Balade en Italie ». J’ai choisi comme auteur italien Primo Levi, et son livre-témoignage Si c’est un homme pour le découvrir, sur les conseils de pas mal de mes collègues.

Comme vous le savez sûrement déjà, Primo Levi, chimiste italien, expose ici son expérience dans un camp de travail d’Auswitch, Monowitz. Il y restera presque un an, et sera un des rares survivant de ce camp lorsqu’il en sort en janvier 1945.
Tout y passe, entre la manière dont il est intercepté en Italie alors qu’il se cache dans les montagne, la déportation dans les wagons à bestiaux, l’arrivée avec le tri qui oriente vers les chambre à gaz ou au camp de travail, l’humiliation et l’incompréhension, la faim, le travail dans des conditions abominables, la maladie… jusqu’à l’entrée des troupes russes dans le camp.
Tout ce qu’on a déjà vu plus ou moins dans des films, au lycée, dans les musées… Sauf qu’ici on a un texte de première main.

Ce témoignage est très intéressant car il parait objectif, pas du tout noyé dans le pathos malgré une expérience qu’on imagine difficile (si on peut vraiment l’imaginer).
La question de l’humanité et de l’inhumanité est aussi traité de manière sereine, sans tomber dans le désir de comprendre le régime nazi (comprendre, c’est accepter d’une certaine manière), ou des les cataloguer comme « monstres ».
On apprend plein de choses, et on s’oblige à réfléchir, entre la partie témoignage en elle même, et la postface qui contient une série de questions (celles que les lycéens lui posent le plus souvent), et ses réponses.
J’ai été particulièrement intéressée par la manière dont les relations sociales se mettent en place dans ce climat qui ne laisse pas la place au sentiments : mise en place de chefs qui jouent aux chefs pour avoir de la crédibilité (ah, les petits kapos…), la mise en place de commerce alors qu’il n’y a à priori rien à vendre (et on s’aperçoit que l’imagination n’a pas de limite), et la fluctuation des prix en fonctions des conditions extérieures (le prix des chemises qui fluctue en fonction des périodes de lessive etc…).
Il n’est pas question de religion, de politique, de justice… juste de survie, dans un univers où l’être humain est considéré comme une bête.

Un livre à lire assurément, à mettre absolument entre toutes les mains ! Il ne me reste plus qu’à mettre dans ma LAL La trêve, la suite de cet opus 🙂

« Opération Mort » de Shigeru Mizuki

Je continue ma découverte de l’oeuvre de Shigeru Mizuki (après NonNonbâ) avec ce manga en parti autobiographique : Opération Mort, écrit et dessiné en 1991.

Cette fois, Mizuki nous délivre une histoire sur la Seconde Guerre Mondiale au Japon, qui a lieu sur une île de Nouvelle-Guinée fin 1943. On y voit des tranches de vie de soldat, entre la vie sur le camps, les combats, la maladie… y sont entremêles la peur, la faim, l’envie de vivre, mais aussi des moment assez drôles, plein d’esprit de camaraderie…
Un récit sombre au final, qui comme beaucoup d’histoires tournant autour de la guerre, dénonce la bêtise des officiers,  trop éloignés de la vie du camp et des soldats pour prendre de bonnes décisions, et finalement agir avec objectivité et sang-froid.

Dans la post-face, l’auteur explique que 90% du manga a vraiment eu lieu lorsqu’il était lui même soldat dans cette région, à la même époque.
La violence des petits chefs, l’obstination des officiers, les soldats réellement considérés comme des objets… où l’apogée est la directive d’une mission suicide « Opération Mort », destinée à donner une fin digne au soldats : l’arme à la main, tués par l’ennemi. Pas de prisonniers dans l’armée japonaise ! Malheureusement (ou heureusement ?), il y aura des survivants, ayant survécu dans la jungle. Ayant désobéis à l’ordre de mourir ils deviennent une épine dans le pieds de l’Etat-Major…

Ce système d’honneur au Japon est enfin critiqué avec ce manga… un pays ou l’individu en tant que tel n’est rien, surtout au milieu du XXème siècle.
Bref, on est dans un récit où le mythe du soldat kamikaze que l’on voir dans les films est plus nuancé…  Un soldat est juste un être humain, dans tous les conflits et dans tous les pays : il ne veut pas mourir.

J’ai aussi retrouvé la patte graphique de ce mangaka avec délice, le dessin épuré à la fois rond et acéré… alternant entre ce style et les planche de facture plus réaliste, de type gravure. La mise en opposition des deux styles donne de la force à des moments clés de l’histoire (les combats, les charniers…).
J’ai découvert en me renseignant un peu sur sa biographie que Mizuki a perdu le bras avec lequel il écrivait lors des combats en Nouvelle-Guinée… mais a surmonté ce traumatisme en apprenant à dessiner et écrire avec le bras restant. J’imagine à quel point cette adaptation a du attiser sa haine de la guerre et des injustices, à chaque fois qu’il prend un crayon dans la main…

On comprend aisément que l’éditeur de ce manga, Cornélius, ait reçu au festival d’Angoulême le prix patrimoine en 2009…
C’est une oeuvre intense et belle, qui nous laisse plein de questions dans la tête une fois refermé… en un mot, j’aime 🙂

« La ligne de front » de Manu Larcenet

Pour célébrer ce 11 novembre, une petite BD qui répondra bien à la thématique du jour : Une aventure rocambolesque de V. Van Gogh : La ligne de front par Manu Larcenet.
Cet opus est le second tome des « Aventures rocambolesque de… ». Apparemment le premier tome traiterait de Sigmund Freud.

Mais revenons à notre album…
D’abord Manu Larcenet, que j’ai découvert dans Fluide Glacial il y a quelques années maintenant (ça ne nous rajeunit pas). J’aime beaucoup son dessin et son humour décapant… et cet album ne m’a pas déçue.

Pour faire rapide, l’histoire se déroule pendant la première guerre mondiale. Les haut gradés de l’armé, loin du front, se demandent pourquoi les soldats ne sont pas plus motivés que ça à faire la guerre et font donc perdre du terrain à la France.
Afin de découvrir ce qui les perturbent à ce point sur la ligne de front, ils envoient un artiste pour croquer la réalité de la guerre, et ils choisissent Vincent Van Gogh.
Van Gogh va donc devoir prendre part à la vie des tranchées, participer à des offensives… accompagné de son général chaperon Morancet, nationaliste comme il faut.

Le duo des deux personnages opposés fonctionne bien, entre Van Gogh l’artiste maudit qui a un point de vu « éclairé » et cynique sur le monde, et le général habituellement planqué, prêt à fusiller les déserteurs, naïf et con comme il faut. J’ai adoré une de ses répliques qui résume bien le point de vu des généraux : « Il n’y a rien de bien terrible à aller au combat… des milliers d’hommes y vont chaque jour, et force est de constater que certains doivent y trouver leur compte puisqu’ils n’en reviennent pas… »

Côté dessin et couleur, rien à redire… je suis fan de son style énergique et quasi expressionniste. Tout ce qu’il faut pour traiter le sujet…

Bref, une plongée acide et cynique dans cette période très sombre de l’histoire de France, entre le monde du combat, mais aussi des arts (beaucoup de références artistiques).
Un genre d’humour que j’aime beaucoup, anachronique, surréaliste, poétique parodique, philosophique… mais qui vise toujours très juste : on ne fait pas que rire ou rire jaune, on réfléchit aussi en lisant cette BD.