« Les courants fourbes du Lac Tai » de Xiaolong Qiu
Pour ma première rencontre avec l’Inspecteur Chen, je me suis plongée directement dans sa septième enquête ! En effet, Xiaolong Qiu semble avoir été très prolifique avec ses aventures de Chen Cao, son célèbre inspecteur chinois contemporain. Celui-ci résout des mystères dignes de Sherlock Holmes, tout en étant féru de poésie chinoise classique et en ayant en plus une activité de traducteur de roman policiers en anglais. Un super-héros des temps modernes, dans un pays que finalement je connais très mal !
L’inspecteur Chen a mérité des vacances… C’est ce que semble penser son protecteur et supérieur au Parti, le camarade secrétaire Zhao. Justement, ce dernier a ses entrées dans un complexe hôtelier pour cadres dirigeants du Parti, près du Lac Tai, dans la région de Wuxi, pas très loin de Shanghai.
Chen va donc devoir se faire au luxe et surtout au repos ! Une bonne occasion pour flâner, goûter aux spécialités locales et faire une charmante rencontre, telle Shanshan. Cette jolie jeune femme qui milite dans le milieu de l’écologie va lui apprendre le revers à peine dissimulé de la réussite de Wuxi : une production industrielle en perpétuelle croissance mais au détriment de la qualité de vie. Le lac Tai s’avère être dangereusement pollué… sans que cela inquiète les politiques.
Notre génie de la police va vite se retrouver à enquêter sur un meurtre : celui du directeur de la plus grosse industrie de la ville, Liu… Une de ces usines qui déverse des produits chimiques dans le lac, et où justement Shanshan travaille…
Si on se doutait que la croissance débridée de la Chine s’accompagnait de ravages écologiques, avec ce roman, on a un tableau encore plus sinistre que tout ce qu’on pouvait imaginer ! Un lac où les algues vertes finissent par causer des maladies de peau, des poissons impropres à la consommation, des animaux marin qui meurent empoisonnés, des enfants qui naissent malformés… Et on comprend vite que toute la Chine vit au même rythme. Le développement avant tout, pour chasser les souvenirs des famines et de la pauvreté de l’ancien temps.
Il est loin le temps de Mao et de l’égalité des classes : ici l’argent est roi, Parti Communiste ou pas. Voilà donc le paradoxe de la Chine de ce roman, cachée sous des traditions socialistes, mais plus capitaliste qu’aucun autre pays au monde !
Il n’en reste pas moins que cette Chine reste fascinante à mes yeux d’occidentale, ce pays en perpétuelle mutation… Chen en tant que poète arrive à équilibrer la vision des choses, comme un jeu entre le Yin et le Yang, en citant de grands philosophes ou poètes chinois tout au long du récit. Malgré son côté sombre, cette Chine garde son côté traditionnel et mystérieux.
Si l’ambiance et le background sociologiques sont très intéressants, l’enquête quant à elle est assez classique, mais efficace. On se retrouve un peu dans un Cluedo géant, à l’heure des nouvelles technologies.
L’inspecteur Chen est un personnages atypique, devenu policier car le Parti l’a décidé pour lui, même s’il aurait préfère faire carrière en tant que traducteur. Il se questionne beaucoup sur son pays, et tout en suivant les ordres, il essaye de rester intègre et de faire le bien.
Les acolytes de Chen sont aussi plaisants : Huang un policier de Wuxi qui l’admire comme une super star, Yu son collègue de Shanghai, accompagné de sa femme dans ses enquêtes… Bref une belle belle brochette que j’aimerai bien revoir dans d’autres aventures.
Une bonne découverte, divertissante et qui m’a fait voyager en plus de m’éduquer. Il ne me reste plus qu’à trouver le premier tome de la saga, Mort d’une Héroïne Rouge !
En tout cas, le challenge ABC m’aura permis une fois de plus de passer un bon moment !